UNE SEULE FOIS
( mon Papa )
Par où commencer, car mes souvenirs sont flous et j'étais jeune quand tu en as parlé.
Je me souviens de ton visage quand tu as fait ce court récit,tu étais torturé en l'évoquant.
Ce camp dans la nord de l'Autriche où tu étais prisonnier, et dont tu t'es évadé avec ton ami Pierre, profitant d' un bombardement.
Vous avez mis trois longues semaines pour revenir dans votre ville natale, en vous nourrissant de racines et de pommes de terre crues. Vous n'aviez que la peau sur les os.
Et puis, aussi, ton regard, se voilant quand tu nous as parlé de ton bateau, ce croiseur-lourd baptisé " l'Algérie ", que vous avez dû, avec d'autres marins, et sur d'autres bateaux, poser vos propres mines sur les coques afin que l'ennemi ne récupère pas une partie de la flotte Française.
C'était ce jour : 27 Novembre 1942 . Le sabordage de Toulon!!!!!
Tu es né en Avril 1920 .
Ne parlons pas non plus,que pendant les trois années qui ont suivi la guerre, tu te couchais sur le sol dès que tu entendais une sirène, et que dans l'appartement, il y avait toujours une valise prête au cas où...
De tout cela tu n'en as parlé qu' UNE SEULE FOIS, et à la fin de ton récit des larmes coulaient sur ton visage.
Tu n'étais pas expansif dans tes sentiments, nous n'avions droit qu'à la bise à midi quand tu rentrais manger et tu repartais au travail sur ton Solex,et puis la bise du soir au coucher.
Je n'ai pas de souvenirs de tendres câlins dans tes bras mais ce n'est pas pour cela que tu ne nous aimais pas. Tu ne savais pas le montrer comme tous les gens de ta génération.
Le seul geste de tendresse que je me souvienne, c'est la dernière fois que tu es venu à la maison Décembre 2001.
Savais-tu ou sentais-tu que c'était la drenière fois que nous nous verrions ? je le pense !
Tu étais assis dans un des canapés et tout à coup tu t'es levé, et tu es venu sur l'autre canapé, à mes côtés. Là, tu m'as pris la main et tu l'as caressée .C'était le premier geste de tendresse que tu me donnais.
C'est la dernière fois que je t'ai vu, Papa. Tu nous as quitté en Février qui a suivi, en 2002.
Alors aujourd'hui, j'ai décidé d'écrire ce court témoignage pour te rendre hommage.
Je veux simplement te dire que je pense à toi souvent et que je t'aime mon Papa et que depuis ta disparition, j'ai appris à dire je t'aime un peu plus souvent.
Geneviève Juin 2013